TRIBUNE François Durovray : « Travail : comment réconcilier bonheur individuel et puissance collective ? »

Président Les Républicains du département de l’Essonne, François Durovray estime dans cette tribune que la réforme des retraites omet une question clé, celle du rapport au travail. Dans cette tribune, il suggère trois axes pour « ré-enchanter le travail ».

« Depuis un mois, le gouvernement peine à convaincre de l’utilité de sa réforme des retraites car elle n’est ni vraiment juste, ni vraiment ambitieuse. Il est même à parier que celle-ci laissera un goût amer aux Français, tant elle passe à côté d’une question fondamentale, celle de notre rapport au travail. Nos concitoyens sont, en effet, bien davantage en attente de réponses sur le sens et de la qualité de ce dernier que de débats purement comptables.

Dans le monde post-Covid, tous les Français sont concernés, et ce quels que soient leurs métiers. Que ceux-ci soient de première ligne ou télétravaillables, qu’ils soient de la tête, de la main ou du cœur selon la belle formule de David Goodhart. En 2007, avec succès, le slogan « travailler plus pour gagner plus » rompait avec le traumatisme des 35 heures et le chômage de masse. Quinze ans plus tard, il ne fonctionnerait plus. Seulement 24 % des Français estiment le travail important, contre 60 % il y a 30 ans. 58 % l’envisagent même uniquement comme une contrainte nécessaire pour subvenir à leurs besoins.

 Le travail apparaît comme une solution à l’aspiration légitime de nos concitoyens au mieux vivre et au bien-être

Ces chiffres ne manquent pas d’interroger. Surtout, dans un contexte économique et social où le travail se révèle, plus que jamais, nécessaire pour relever et financer nos grands défis du 21e siècle : la transition environnementale et numérique, la préservation de notre modèle social ou, encore, celui de nos systèmes de santé et éducatif… Face à une situation bien réelle de déclassement du niveau de vie des Français, marqué par la chute de leur pouvoir d’achat sur fond d’inflation, le travail apparaît aussi comme une solution à l’aspiration légitime de nos concitoyens au mieux vivre et au bien-être.

Il m’apparaît donc crucial de ré-enchanter le travail pour en faire l’outil de notre sursaut. Cela passera par la réussite de trois chantiers.

Le premier est celui du volume global de travail qui doit impérativement augmenter. Rappelons que la quantité de travail annuel par Français équivaut à 630 heures, là où elle est de 720 heures pour les Allemands et de 826 heures pour les Américains. Mais, entendons-nous bien : il ne s’agit pas de demander davantage à ceux qui travaillent déjà mais plutôt de permettre le retour à l’emploi à ceux qui en sont privés. Notre taux de chômage est encore deux fois supérieur à celui de pays comparables, générant destruction de richesses et perte de cotisations. Au total, si le taux d’emploi en France était équivalent à la moyenne des pays européens, nous n’accuserions pas un déficit budgétaire de plus de 5 % mais un excédent de plus de 1 %.

De plus, les jeunes et les seniors restent les grands exclus du marché du travail. Face à un taux de chômage des jeunes, lui aussi deux fois plus important que chez nos voisins, il est temps de réinterroger le sacro-saint objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat. Engageons toutes nos forces sur l’alternance et les filières professionnalisantes qui permettent une arrivée anticipée et progressive sur le marché du travail, tout en offrant des perspectives de promotion.

 Montrons qu’il est possible de travailler davantage tout en donnant plus de temps libre

Le deuxième enjeu est celui du sens et de la qualité de vie au travail. Loin des clichés de salariés jouant tout sourire au baby-foot dans leurs locaux, cette question n’est pas anecdotique. Il est impératif d’introduire de nouvelles méthodes de management basées sur la confiance plus que sur le contrôle ou le reporting. Car certaines méthodes actuelles, à l’hôpital, comme dans les entreprises, tuent l’initiative, détournent du cœur du métier, pour finalement infantiliser et asphyxier.

La qualité de vie au travail passe également par un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, rompant avec la logique des 35 heures qui a rigidifié les rapports entre dirigeants et salariés. Osons la semaine de 35 heures sur 4 jours ou même 3. Osons la formation professionnalisante. Osons le congé pour convenance personnelle. Trop souvent réservés aux cadres, élargissons ces dispositifs aux métiers qui ne sont, par nature, pas télétravaillables. Et pour ceux qui le peuvent, osons le 100 % distanciel !

Pour redonner de l’attractivité aux métiers, montrons qu’il est possible de travailler davantage tout en donnant plus de temps libre, en réduisant le nombre de trajets contraints entre le domicile et l’entreprise, en adaptant le travail aux nouveaux modes de vie.

 Une grande loi sur la participation est nécessaire

Le troisième chantier à engager concerne la valeur que nous donnons au travail. La part des salaires dans le PIB a diminué depuis 40 ans. Il faut une répartition plus juste de la richesse produite entre les actionnaires d’un côté et la part consacrée aux investissements et à l’amélioration de la rémunération des salariés de l’autre. Une grande loi sur la participation est nécessaire. Je dis bien participation et pas intéressement. L’idée n’est pas simplement d’associer les salariés aux bénéfices mais également de les associer aux décisions. Outre l’amélioration du pouvoir d’achat, la participation aura le grand mérite de stabiliser l’actionnariat des entreprises et de les protéger des initiatives hostiles, mais aussi de fluidifier les relations sociales, les intérêts des uns et des autres convergeant.

Après de longs mois de distanciation sociale et plusieurs semaines d’affrontements, l’heure doit être à la réconciliation. Je suis convaincu qu’elle passe par le travail, véritable aventure collective qui nous permet de nous structurer, de nous transcender et, surtout, de nous dépasser. Compte tenu de ses valeurs et de son histoire, c’est à la droite républicaine de porter ce débat et de réconcilier à travers le travail, bonheur personnel et puissance collective. »

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