Les collectivités doivent prendre en compte les exigences de la sobriété et anticiper les conséquences du dérèglement climatique. Une double exigence à laquelle elles ne pourront répondre sans apports financiers nouveaux, et sans une actualisation des procédures et des moyens de gestion des bâtiments anciens, explique un collectif d’élus.
Article par Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/01/il-y-a-urgence-a-adapter-le-patrimoine-a-la-transition-energetique_6148095_3232.html
Alors que les collectivités territoriales peinent à boucler leur budget 2023, les impératifs de la transition environnementale et climatique exigent de leur part un effort inédit pour les travaux de rénovation énergétique des bâtiments dont elles ont la charge.
Nous, élus locaux de tous les territoires, des plus urbains aux plus ruraux, sommes confrontés à deux injonctions contradictoires, celle de préserver et celle d’adapter ou de transformer un ensemble considérable de biens immobiliers.
Le bâti ancien est souvent à charge des collectivités. Rappelons qu’elles sont propriétaires de plus de 40 % du patrimoine classé ou inscrit (l’Etat n’en possédant que 3 % ou 4 %). Or, les travaux de rénovation des sites historiques ainsi que de leur environnement – quartiers anciens, secteurs classés, sites patrimoniaux remarquables, monuments historiques, patrimoine mondial… –, pour les adapter au changement climatique et aux exigences de la transition énergétique, sont à la peine.
Une double exigence
Non seulement l’inflation et la hausse du coût de l’énergie renchérissent considérablement les budgets des travaux, mais ces derniers continuent de se heurter à un corpus réglementaire parfois obsolète face aux enjeux que nous traversons.
Par ailleurs, ce bâti patrimonial a acquis dans nos territoires un usage collectif de service public : lycées et collèges, hôtels de ville, postes, hôpitaux, musées, opéras… Ce patrimoine de proximité tient une place essentielle dans la vie quotidienne. Il en va de même des centres-villes anciens dont les appartements seront bientôt désertés, leurs propriétaires ayant renoncé, face aux coûts exorbitants des travaux de réhabilitation en secteur protégé, à les louer. Comment financer leur adaptation à la transition écologique qui s’impose à nos sociétés ?
Scènes de musiques actuelles, cinémas, théâtres, bibliothèques… : la liste est longue des équipements culturels construits avant que n’entrent en vigueur les normes actuelles d’économie d’énergie. D’innombrables chantiers de rénovation s’imposent. Et là encore, la hausse des prix de l’énergie jointe à l’inflation gonfle le coût des travaux, tout en multipliant par deux le poids en fonctionnement de ces équipements.
Les collectivités doivent simultanément prendre en compte les exigences de la sobriété énergétique et anticiper les conséquences du dérèglement climatique. Une double exigence à laquelle elles ne pourront répondre sans apports financiers nouveaux et sans une radicale actualisation des procédures et des moyens de gestion du patrimoine ancien.
Spécialistes, élus locaux, services de l’Etat, citoyens
Il ne s’agit pas d’une question technique, mais de l’habitabilité même de nos villes, de la beauté de notre cadre de vie, du dynamisme des centres-villes et des centres bourgs. Il s’agit tout à la fois d’urbanisme, de patrimoine et de vivre-ensemble. «La transition énergétique suppose une volonté politique, elle appelle un élan social » et « un nouveau type d’aménagement de nos milieux de vie ».
L’enjeu s’impose: comment prendre à bras-le-corps ce défi de rénover l’ensemble de ces bâtiments dans le respect de leur histoire et de l’exigence de l’esthétisme, mais avec le souci que perdure leur apport si précieux pour la vie de tous et de toutes et pour l’attractivité de notre pays?
Le débat, lui aussi, s’impose. Il est urgent, si nous voulons réussir sereinement la transition énergétique et climatique du patrimoine, que le ministère de la culture et le ministère de la transition écologique mettent l’ensemble des partenaires autour de la table: spécialistes, élus locaux, services de l’Etat, citoyens… afin d’élaborer, ensemble et dès maintenant, les voies et les movens pour réussir un plan d’envergure national.
Premiers signataires : Jean-Philippe Lefèvre, vice-président à la culture de l’agglomération du Grand Dole (Jura) ; Jean-Marc Coppola, maire adjoint à la culture de Marseille (Bouches-du-Rhône); Yann Galut, maire de Bourges (Cher) ; Frédéric Hocquard, président de la Fédération nationale des collectivités pour la culture, maire adjoint de Paris; Auriane Aït Lasri, maire adjointe à la culture de Douai (Nord) ; Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine); Fabien Le Guernevé, maire adjoint à la culture et au patrimoine de Vannes (Morbihan) ; Anne Mistler, maire adjointe à la culture de Strasbourg (Bas-Rhin) ; Jessie Orvain, maire d’Isigny-le-Buat (Manche); Isabelle Vincent, maire adjointe à la culture et au patrimoine de Chartres (Eure-et-Loir).