RÉCIT – Le président de la région Hauts-de-France s’est rapidement relevé de son échec à la primaire des Républicains. Omniprésent dans la campagne des législatives, il prépare déjà son avenir national.
Article par Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/il-n-a-renonce-a-rien-les-ambitions-intactes-de-xavier-bertrand-20220524
Article de Wally Bordas
En cette journée de mai, Xavier Bertrand déguste un pâté en croûte dans un restaurant de Vœgtlinshoffen, dans le Haut-Rhin. Autour de lui, Jacques Cattin, l’un des députés LR du département, plusieurs élus locaux et quelques habitants des environs, sirotent un verre de vin blanc.
Le président de la région Hauts-de-France, qui est aujourd’hui venu soutenir officiellement son ami parlementaire pour les législatives, est, comme dans beaucoup de ses déplacements, au centre de l’attention. On l’interroge sur la réélection d’Emmanuel Macron, l’union de la gauche, le pouvoir d’achat, les problématiques locales… Lui aussi questionne beaucoup et prend des notes à chacune des interventions de ses interlocuteurs.
«Et si ça avait été vous?»
Alors que la suite du repas – une choucroute revisitée – est servie, l’un des convives se décide à mettre les pieds dans le plat. «Quel dommage pour vous», lui glisse-t-il d’un air désolé, faisant référence à sa défaite lors du congrès de la droite l’ayant empêché d’être candidat à l’élection présidentielle. Mais l’ancien ministre évite le sujet. «On peut en parler, mais on est surtout là pour évoquer la campagne de Jacky», lui répond-il, dans une habile esquive.
Avec succès: aucun des présents n’y fera plus référence de la journée. Mais depuis sa quatrième place lors de cette élection interne, l’ancien prétendant est souvent confronté à cette question: «Et si ça avait été vous, que se serait- il passé?» Une interrogation qu’il doit lui-même souvent se poser, et à laquelle il répond généralement par une pirouette.
C’est que depuis cette lourde défaite, Xavier Bertrand n’a pas eu le temps de se poser: il est tout de suite reparti en campagne. D’abord pour Valérie Pécresse, lors de l’élection présidentielle, et désormais, pour les législatives, au cours desquelles il compte effectuer au moins 45 déplacements d’ici le deuxième tour. «Il est extrêmement demandé par les candidats. Nous n’allons même pas pouvoir répondre positivement à tout le monde», renseigne un membre de son équipe.
Guilhem Carayon, le président des jeunes LR et candidat aux législatives dans le Tarn, compte parmi les prétendants ayant très tôt sollicité l’ancien ministre. «Xavier Bertrand fait partie de ceux, chez LR, qui parlent encore à la France rurale à laquelle je souhaite m’adresser. Son soutien m’a beaucoup apporté», se félicite le jeune homme, à qui l’élu des Hauts-de-France a rendu visite. «C’est quelqu’un qui a une bonne image et qui rassemble un spectre plus large que Les Républicains. Il est beaucoup moins clivant que les autres cadres du parti», abonde le député Pierre-Henri Dumont, que Xavier Bertrand ira également soutenir prochainement.
Un homme blessé
Malgré «le plus gros échec de sa carrière politique», dixit l’un de ses proches, l’ancien ministre du Travail continue donc à déployer son énergie aux quatre coins de France. «C’est comme si j’avais eu un accident de vélo qui semblait extrêmement grave. Sauf qu’au lieu d’aller à l’hôpital, j’ai essayé de me relever et de remonter sur mon vélo tout de suite. Et comme j’ai réussi, je me suis mis à pédaler et je suis reparti», raconte-t-il souvent à ses amis pour résumer sa situation. Un homme blessé donc, mais qui ne souhaite pas s’apitoyer sur son sort. «J’ai été surpris par la solidité avec laquelle il a pris les choses au lendemain de sa défaite», témoigne François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne et proche du président de région.
Pendant la campagne de Valérie Pécresse, celui qui était alors l’un de ses quatre «mousquetaires» a joué le jeu: sur le terrain comme dans les médias, Xavier Bertrand a défendu la candidate, malgré les vents contraires. «J’ai été très étonné, car malgré tous les a priori que je pouvais avoir sur lui, il a été le plus impliqué des mousquetaires. Pourtant, c’est celui qui avait pris la plus grosse claque», témoigne un membre de l’équipe de campagne de la présidente d’Île-de-France.
Certains dans l’entourage de l’ex-prétendante l’accusent quant à eux d’avoir joué «double jeu» en allant «la critiquer par derrière auprès des journalistes pour jouer l’après présidentielle». Mais le président des Hauts-de-France n’en a cure: il estime avoir été irréprochable durant toute la campagne, quitte à perdre encore quelques plumes supplémentaires. «La vérité, c’est qu’il en avait déjà perdu énormément et que son attitude dans la défaite a été si admirable qu’il a regagné du crédit auprès de tous», juge d’ailleurs un ancien ministre sarkozyste pourtant souvent critique à son égard.
«Il était celui qui s’était le plus préparé à cette échéance et a su se montrer fair-play vis-à-vis de tout le monde. C’est une grande qualité», vante également Christian Jacob, le patron des Républicains. Au point d’aspirer encore à la fonction suprême? S’il refuse pour l’heure de s’exprimer sur le sujet, beaucoup de ses proches en sont certains: Xavier Bertrand ne se ferme aucune porte. «La vérité, c’est qu’il n’a renoncé à rien», jure par exemple l’un de ses plus fidèles amis. «Il est intéressé par l’avenir de son pays, et donc, par la présidentielle de 2027, c’est évident», croit savoir un autre de ses soutiens.
Envisager l’avenir
Au lendemain de l’élection présidentielle, Xavier Bertrand a en tout cas réactivé tous ses réseaux. Appels, rencontres, réunions en visioconférence: le président des Hauts-de-France a repris contact avec une grande partie de ceux qui l’avaient soutenu pour 2022. Depuis, il organise régulièrement des rendez-vous avec eux. D’abord, pour analyser les causes de la défaite de Valérie Pécresse. Puis, pour envisager l’avenir. «Il a toujours eu autour de lui des gens qui l’aident à réfléchir et qu’il réunit régulièrement. C’est encore le cas aujourd’hui», renseigne son ancien directeur de campagne, Vincent Chriqui. «Il a compris que si on voulait se reconstruire, il fallait commencer par le travail exigeant de la pensée. C’est donc sur cela que plusieurs d’entre nous travaillent activement», détaille un autre proche.
Avec quels objectifs? Le président des Républicains, Christian Jacob, quittera ses fonctions à la tête du parti après les législatives. Les adhérents voteront ensuite pour élire leur futur patron, qui pourrait alors être un leader légitime en vue de 2027. Une échéance qui aiguise déjà certaines ambitions, parmi les ténors du parti. Xavier Bertrand n’écarte pas, d’ailleurs, la possibilité d’être candidat. Mais il refuse d’y penser pour l’instant, jure-t-il à ceux qui l’interrogent.
Certains potentiels prétendants l’ont d’ailleurs appelé récemment, pour sonder ses intentions. Aurélien Pradié, qui envisage sérieusement de se présenter, lui a par exemple demandé s’il pourrait compter sur son soutien. «Je ne peux rien te promettre pour le moment», lui a répondu le président des Hauts-de-France. David Lisnard, Laurent Wauquiez, Éric Ciotti, Rachida Dati, Michel Barnier… Pour l’instant, Xavier Bertrand regarde de loin les appétits des uns et des autres. Ces dernières semaines, il a tiré les leçons de son échec au congrès. En janvier dernier, il confiait à un ami: «Tu sais, finalement, la vérité, c’est que je ne m’étais pas assez préparé.» Désormais, il est hors de question pour lui de commettre la même erreur.