« La marche vers l’égalité entre les femmes et les hommes, celle que Stendhal appelait la marque la plus sûre de la civilisation, est récente et fragile. Et partout autour de nous, et pas seulement aux États-Unis, plane la menace de régressions dans les droits des femmes – à commencer par celui de la liberté à disposer de leur corps. Certes, la loi Veil a maintenant 50 ans, mais est-ce pour autant la fin de l’Histoire ? Le droit à l’avortement connaît encore des restrictions dans de nombreux pays européens, il n’est établi en Irlande que depuis 6 ans, il n’est toujours pas autorisé à Malte, et demeure interdit en Andorre… pays dont le président de la République est coprince. Nous voyons bien combien la montée des intégrismes religieux, quels qu’ils soient, des régimes autoritaires et illibéraux, porteurs d’une image passéiste de la femme, menace ces droits.
Personne, en responsabilité, ne peut affirmer que la France est à l’abri de ce type de menaces – même si, à titre personnel, je mettrai toute mon énergie pour les éviter. Alors il me paraît totalement hors de propos de refuser l’inscription du droit à l’ IVG dans la Constitution au motif qu’il n’y aurait pas de danger immédiat – je pense à l’avenir de mes filles et je ne veux prendre aucun risque. Il me paraît hors de propos de prétendre qu’il n’y a pas de consensus, lorsque 86 % des Français – et surtout 90 % des Françaises – souhaite la constitutionnalisation de l’IVG selon un sondage IFOP de novembre 2022. Et il me paraît hors de propos de refuser cette inscription du fait d’arguties juridiques. La question n’est pas de savoir si le droit à l’avortement appartient déjà au bloc de constitutionnalité ou pas. S’il y a débat, c’est que ce n’est pas encore suffisamment clair : raison de plus pour l’inscrire dans notre Constitution. Je n’ai pas envie qu’un droit aussi fondamental pour les Françaises soit soumis demain à des revirements de jurisprudence ! Les systèmes juridiques entre pays sont difficilement comparables, mais c’est bien la Cour suprême des États-Unis qui a mis fin à 50 ans d’une jurisprudence protectrice pour le droit à l’avortement, c’est bien une décision du tribunal constitutionnel de Pologne qui a supprimé en octobre 2020 un des cas qui permettait de recourir à l’IVG.
Ce n’est pas seulement notre droit qui sera davantage armé. C’est aussi notre société qui sera confortée dans ses valeurs. Comme le dit le Conseil constitutionnel lui-même, « la Constitution est un acte fondateur par lequel une société se constitue une identité et décide l’ordre sociétal voulu ». Ce que nous voulons, c’est la liberté de choix des femmes. Ce qui constitue notre identité, c’est la défense des droits des femmes. Et c’est aussi ce que doit affirmer notre famille politique.
Elle a par le passé été au rendez-vous de l’Histoire – qu’il s’agisse du droit de vote des femmes, de l’autorisation de la contraception, de la légalisation de l’IVG, mais aussi plus récemment avec la loi de 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ou encore la loi de 2011 permettant la meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Il a pu aussi arriver à la droite et au centre de se tromper de combat, ou de ne pas saisir assez vite la nécessité d’évolutions aussi positives que la parité en politique. Je ne souhaite pas que nous refassions ces erreurs, mais bien que nous retrouvions l’esprit de Simone Veil. Et je souhaite que nous soyons cohérents : nous ne pouvons pas d’un côté dénoncer la menace que fait courir pour les femmes l’intégrisme islamique et ne pas se placer clairement en défense de leurs droits lorsqu’ils sont susceptibles d’être attaqués.
C’est pourquoi j’appelle les Sénateurs LR à voter, le 28 février prochain, la loi constitutionnelle. Pour que tous ensemble nous puissions envoyer ce message au monde : l’engagement de la France en faveur de l’égalité, de la liberté, de la dignité de la femme est consubstantiel à notre République, et nous défendrons les droits des femmes contre tous les obscurantismes, sur notre sol national comme à l’international. »