ENTRETIEN. Xavier Bertrand sur la présidentielle : « J’ai bien l’intention d’être candidat en 2027 »

Quelle lecture faites-vous du discours de politique générale de Gabriel Attal ?

On se croirait en 2017, Emmanuel Macron vient d’être élu et dispose d’une majorité absolue. Le volontarisme de Gabriel Attal n’est rien sans majorité absolue à l’Assemblée Nationale.

 

Il n’aura pas les mains libres pour engager les actions qu’il annonce ?

Le Président de la République a fait le choix de continuer à présider sans majorité absolue. C’est le péché originel de ce quinquennat. Gabriel Attal n’aura pas les moyens de faire passer de grandes lois. Il ne se passera donc rien d’important, de structurant pour notre pays et je ne peux pas m’en réjouir.

 

Vous suggérez de dissoudre l’Assemblée nationale ?

C’est au Président de la République qu’il faut poser la question. Il a clairement gagné la présidentielle et il a clairement perdu les législatives, les Français lui ont dit qu’il devrait composer avec les oppositions, mais Emmanuel Macron n’a pas voulu tenir compte du résultat des législatives. C’est la raison pour laquelle notre pays est dans un tel état alors que le défi du redressement est immense et que répondre au quotidien des Français est impératif.

 

Ce n’est pas ce que fait le nouveau Premier ministre ?

Sans majorité absolue, il ne peut pas y avoir de réformes. L’exaspération et la colère vont donc s’accentuer. Et qui profite de cela hélas ? Le Front National dont la seule compétence est de savoir capter cette colère sans rien proposer.

 

Les mesures en faveur des classes moyennes visent à reprendre des électeurs au Rassemblement National ?

Quelles mesures ? Ça ne sert à rien d’amuser la galerie en disant qu’on va rendre 2 milliards d’euros aux classes moyennes en 2025 alors que dès maintenant, la hausse des taxes fait flamber la facture d’électricité de 10% ce 1er février et 10% encore l’an prochain. La réduction d’impôts promise représente 100 €/an pour une famille alors que la hausse des tarifs de l’électricité lui coûtera 500 €/an, de qui se moque-t-on ? Je ne pensais pas que s’occuper des classes moyennes consistait à les matraquer. Ces 10 %  d’augmentation sur l’électricité, c’est le premier impôt Attal !

 

Aucune des mesures présentées mardi n’a trouvé grâce à vos yeux ?

Il y en a surtout une qui est aberrante et cynique : l’envoi d’un « émissaire » pour aller chercher des médecins à l’étranger ! Des milliers d’étudiants quittent la France pour suivre des études de médecine en Belgique, en Espagne, au Portugal, en Roumanie… Certains ne reviendront pas. L’émissaire reviendrait avec des médecins dans sa valise, pris dans des pays qui en manquent, alors qu’il suffit de former davantage de nos jeunes ici. On marche sur la tête ! Je ne sais pas qui a soufflé cette idée-là au gouvernement, mais c’est du grand n’importe quoi…

 

Tout comme la « taxe lapin » ne résoudra en rien le problème des déserts médicaux ?

J’ai soutenu cette idée portée par la sénatrice LR Corinne Imbert. Cette taxe a du sens. Ceux qui ne se présentent pas, sans juste motif, à un rendez-vous médical prennent la place d’autres patients qui ont parfois dû attendre pour avoir leur rendez-vous. Je ne vais pas reprocher au gouvernement de reprendre une proposition à laquelle je crois. La « taxe lapin » n’en est pas une, c’est une mesure de bon sens alors que la hausse de la franchise sur les boîtes de médicaments, qui est une hérésie au moment où il y a tant de pénurie dans les pharmacies. En fait, c’est un nouvel impôt sur les classes moyennes.

 

Et les annonces faites sur le travail ? Vous n’y croyez pas non plus ?

Comment y croire quand, ces dernières années, les gouvernements d’Emmanuel Macron ont été incapables d’améliorer le pouvoir d’achat ? On ne va pas continuer trois ans de plus comme cela. La France est un pays dans lequel, trop souvent, on ne peut pas vivre dignement du fruit de son travail. Les salaires sont trop faibles, les charges trop élevées. Je veux qu’on soutienne les gens qui travaillent pour qu’ils puissent s’en sortir, c’est ce que je fais dans ma Région.

 

Comment ?

Avec des aides à la garde d’enfants pour les parents qui travaillent, 240 € par an pour ceux qui dépendent de leur voiture pour travailler, la mise à disposition d’un véhicule à 1 € par jour pour ceux qui reprennent un emploi, et la prise en charge pour les jeunes de 90 % du prix du permis de conduire, qui est lui aussi devenu un impôt qui ne dit pas son nom… On fait tout cela dans les Hauts-de-France. Nous, nous aidons vraiment les classes moyennes, c’est au cœur de mon projet.

 

Vous vouliez vous présenter à la présidentielle de 2022, avez-vous l’intention de l’être à nouveau en 2027 ?

Oui, j’en ai bien l’intention. Je n’ai pas changé d’ambition. Et j’ai appris de mes erreurs. Beaucoup aujourd’hui pensent déjà que 2027 sera le tour de Marine Le Pen.

Pas moi ! Je suis convaincu qu’il n’y a pas une majorité de fachos dans notre pays mais il y a une majorité de Français en colère. J’entends y répondre le moment venu.

Donc non ! En 2027, ça ne sera pas le tour de l’extrême-droite.

 

Si vous y retournez, ce sera toujours pour promouvoir « la République des territoires » ?

Elle manque furieusement. Si elle était en place, on aurait pu décider plus vite pour faire face aux conséquences des inondations du Pas-de-Calais. Notre France est malade de son hypercentralisation. La République des territoires, ce n’est pas tout aux élus, c’est beaucoup plus de décisions dans les territoires. L’État, au niveau national, doit assurer le régalien : sécurité, justice, maitrise de l’immigration, défense, lutte contre l’islamisme. Mais pour tout ce qui concerne le quotidien, arrêtons de faire remonter la prise de décision à Paris pour qu’elle redescende avec du retard sur le terrain.

 

La déconcentration de certaines administrations et la volonté de « réarmer » les services publics dans les territoires vont dans ce sens, non ?

Ah bon ? Je ne m’en suis pas rendu compte… L’ADN de ce pouvoir n’est pas partageur. Ils n’aiment pas les élus locaux car ils n’en ont pas. Le gouvernement pense que les élus locaux, comme les partenaires sociaux d’ailleurs, sont des incapables. Je rappellerai que dans nos communes, nos départements, nos régions, on sait faire et nous avons la confiance des Français. C’est une vraie forme de mépris et quand on regarde la composition du nouveau gouvernement, c’est révélateur…

 

Vous voulez dire que c’est un gouvernement trop « parisien » ?

Évidemment. C’est le gouvernement de l’entre-soi. Trop parisien, en ce sens qu’il est infichu de regarder au-delà du périphérique, ce qui explique leur incapacité à anticiper les crises, à ressentir ce que vivent les Français.

 

La colère des agriculteurs vous a surpris ?

Non. C’est une colère qui monte depuis longtemps. N’oublions pas que l’agriculture subit le plus grand plan social qu’on ait connu en France depuis 20 ans, mais à bas bruit. Ils meurent à petit feu. Aujourd’hui, c’est certainement, avec les pêcheurs, la profession, comme disait Pompidou, qu’on emmerde le plus. Pour eux, il n’y a aucun droit à l’erreur, même pas de présomption de bonne foi. C’est sur eux que les contrôles pèsent le plus. Un peu de bon sens ! Les agriculteurs ne se lèvent pourtant pas la nuit pour empoisonner leurs légumes avec une seringue ! Ils seraient coupables de tout alors qu’ils nous nourrissent. L’écologie punitive leur a fait beaucoup de mal alors que les agriculteurs sont les vrais écologistes. En se battant pour eux, ils se battent pour nous, c’est pour cela que leur combat rassemble une large majorité des Français.

 

La prochaine législature européenne devra commencer par une refonte de la Politique agricole commune (PAC) ?

Nous avons besoin de l’Europe mais la stratégie dite « de la ferme à la fourchette » prônée par la commission et basée sur la décroissance est une terrible erreur. Il y a de plus en plus d’humains sur la planète, il faut les nourrir, mais l’Europe impose de faire 4 % de jachères et 10% en 2030. C’est de la folie, d’autant qu’on importe toujours davantage. On a laissé grossir un monstre bureaucratique au sein de l’Union Européenne.  Je souhaite que les différents partis politiques se prononcent sur une nouvelle donne européenne agricole avant les élections de juin. On saura qui pense quoi et avec quelles solutions.

 

Les Hauts-de-France vont accueillir plusieurs épreuves Olympiques. Tout est prêt ?

Bien sûr ! Je le dis aux commentateurs : arrêtons avec la sinistrose autour des Jeux olympiques ! La critique est un sport national, nous pourrions être médaille d’or dans la catégorie « ça ne marchera jamais », mais c’est de l’or dont on se passerait volontiers… C’est un honneur d’être le pays organisateur. Ça faisait un siècle qu’on n’avait plus accueilli les Jeux. Le monde entier va regarder la France, je suis convaincu que nous serons à la hauteur et je suis convaincu que nos sportifs olympiques et paralympiques feront le plein de médailles.

 

Un pronostic de médaille ?

Je suis fan de basket, dont les épreuves se dérouleront à Lille. Je vais suivre tous les matchs de l’équipe de France, avec Victor Wembanyama et surtout Rudy Gobert, qui est originaire de Saint-Quentin, ma ville. Il fait une saison magnifique avec les Timberwolves du Minnesota en NBA. Ce sera un moment merveilleux.

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