Longtemps, la France a pu se prévaloir d’une industrie de pointe, active et proactive, pourvoyeuse d’une croissance dépassant les 5 %. Une Industrie inscrite au cœur du patrimoine, contribuant à notre identité, à l’âme d’une Patrie du travail et de la science, où l’autonomie se conquiert par l’idée, la force organisée en dessein collectif garant de la puissance et de la solidarité. Pourtant le fil de la réussite s’est rompu il y a quarante ans au détriment de notre souveraineté.
La désindustrialisation s’est révélée massive à la faveur des crises sanitaire et ukrainienne. Des chaînes d’approvisionnement bouleversées et des pénuries de médicaments ont ravivé une concurrence féroce entre partenaires pour la maîtrise d’une production jusqu’alors délocalisée. Elles ont démontré la nécessité de redonner des marges de manœuvre à la puissance publique pour soutenir les secteurs clés d’une économie que l’aléa d’un monde de moins en moins multipolaire a rendue dépendante.
Lourdes responsabilités
En somme la conjoncture a-t-elle permis la mise à l’index d’un lourd bilan, puisque la part du secteur secondaire dans notre PIB a été divisée par deux depuis le choc pétrolier, entraînant une perte d’emplois, de compétences et de capacités d’investissements en R & D, creusant un déficit commercial aujourd’hui abyssal et fragilisant des territoires entiers.
Le Président actuel, qui semble fort d’une volonté d’agir, porte aussi de lourdes responsabilités dans l’état d’insuffisance qui grève nos capacités industrielles. Sa récente doctrine souverainiste, sursaut de la 25ème heure, succède au bradage d’Alstom, à la vente des turbines Arabelle, mais aussi au rachat d’Exxela par l’Américain Heico. Si le revirement présidentiel est salutaire, il est aussi bien tardif !
Au-delà de la France, c’est aussi l’orientation de l’intégration européenne qui a conduit au délitement d’un tissu industriel ancien. Nos choix communautaires, bercés par le mythe de l’Europe du tertiaire, ont conduit à la signature de traités inégaux dépourvus de réciprocité.
Or pour renaître et garantir une relance industrielle pérenne, il convient d’agir sur trois leviers.
Nous ne pourrons, d’abord, faire l’économie d’une grande réforme de la formation professionnelle, à l’heure où deux chefs d’entreprises sur trois déclarent, dans la seule industrie manufacturière, éprouver des difficultés de recrutement et tandis que le rapport « Métier 2030 » de la DARES évalue à 165 000 les nouveaux emplois à pourvoir dans l’Industrie d’ici sept ans.
C’est aussi dans le domaine de la fiscalité qu’il convient de favoriser l’innovation et l’investissement, mais aussi renforcer le capital-risque. Les impôts de production, notamment dans le secteur manufacturier, demeurent ainsi sensiblement plus élevés que dans les autres pays de l’UE puisqu’ils représentent plus du triple de la valeur ajoutée.
Un coût du travail plus lourd dans l’hexagone
Enfin, le coût du travail, essentiel dans une économie où la compétitivité-prix reste un facteur déterminant dans les termes de l’échange, est beaucoup plus lourd dans l’hexagone. Ce différentiel est de l’ordre du tiers si l’on considère l’ensemble des 27, partenaires et concurrents du marché intérieur.
Si, comme le pensait le Général de Gaulle, « la démocratie se confond avec la souveraineté nationale », j’ajouterai dans le même esprit que la vigueur de notre économie, c’est-à-dire la croissance, ne peut être durable si elle se pense aux dépens de la souveraineté industrielle. Dans cette France de Bodin, ardent défenseur de la « puissance absolue de décider », le secteur secondaire doit de nouveau battre pavillon tricolore. Ce redressement est engagé mais trop timidement. Veillons à redonner à la France les capacités d’être à nouveau demain le moteur d’une Europe du savoir-faire industriel.