« La natalité n’est pas un tabou… mais un atout ! » (François Durovray)

OPINION. « Il faut tout un village pour élever un enfant » : ce proverbe africain reste ô combien vrai. À l’heure où le projet de loi immigration fait l’actualité, où certains estiment qu’il faudrait régulariser des personnes en situation irrégulière pour répondre aux tensions sur le marché du travail, revenons à l’une des sources du problème. Par François Durovray, Président du Département de l’Essonne.
 
Préoccupons-nous de la baisse de notre natalité. Car, osons les termes, c’est d’un véritable effondrement dont nous parlons. Effondrement symptomatique d’une baisse de foi en l’avenir, mais pas seulement. En effet, notre excédent naturel est à son niveau le plus bas depuis l’après-guerre. Si le taux de fécondité est aujourd’hui de 1,8 enfant par femme, il était encore de 2 jusqu’au milieu des années 2010. Au premier semestre 2023, il n’y a eu que 314.400 naissances, soit une diminution de 7% par rapport à 2022 ! Cela représente 70.000 enfants en moins. Cette chute va déséquilibrer notre système éducatif avant de déséquilibrer le marché du travail puis le système de retraite.
 

Or, pour revenir à notre proverbe africain, élever des enfants est une responsabilité partagée. La natalité n’est pas que le fruit d’une liaison entre deux individualités, mais l’aboutissement d’une histoire nationale et collective. Seule une politique familiale ambitieuse peut relancer notre natalité. Notre pays fut à l’avant-garde dès les années 1930 avec le premier Code de la famille, puis en 1945 avec l’instauration du quotient familial. Mais, par aveuglement dogmatique, la gauche a renoncé à l’universalité des allocations familiales. La politique familiale ne peut toutefois être perçue uniquement sous le prisme social et redistributif. Elle doit retrouver son caractère universel pour être un vrai encouragement. Surtout, la famille doit cesser d’être jugée désuète ou accessoire par certains. Elle est l’histoire de l’humanité et doit redevenir le cœur d’un projet de société basé sur la construction patiente et la transmission.

Cessons aussi de culpabiliser les Français. La baisse de la natalité n’est pas « la faute aux Français ». Au contraire, aidons-les ! Épaulons-les avec des incitations financières universelles, protégeons-les avec un soutien moral et logistique. À l’heure où la perméabilité entre heures de travail et de loisirs peut être compliquée à gérer, où les temps de transport sont parfois longs et fastidieux, où les liens familiaux et d’entraide se distendent, la natalité doit être accompagnée pour ne pas accoucher de parents désabusés et découragés. Si on ne fait évidemment pas d’enfant pour de l’argent, on ne peut plus, dans le contexte actuel, faire d’enfant sans un réel accompagnement et un soutien matériel.

C’est là tout le rôle du Département !

 

Cette strate que certains tendent à dénigrer est le premier soutien à cette aventure complexe qu’est la parentalité. Consultation des sages-femmes, création de liens sociaux pour lutter contre l’isolement des familles, visites des puéricultrices et actions médico-sociales préventives à domicile : en Essonne, 75% des enfants nés dans le territoire sont accompagnés chaque année par nos services. Nous devons aller plus loin et mettre l’accent sur les 1000 premiers jours de la vie, comme le préconise Boris Cyrulnik, car c’est sur cette période cruciale que l’essentiel se joue. Dans mon département, nous avons ainsi pour ambition de mettre en place une maison des 1000 premiers jours qui rassemblerait en un unique lieu l’ensemble des professionnels pour offrir aux parents toutes les possibilités de soutien.

Mais l’État doit aussi prendre sa part dans ce combat en créant un véritable service public de la petite enfance. L’enfance et la jeunesse doivent être des grandes priorités nationales. Investir sur l’avenir commence par là. Cela nécessite un plan d’urgence pour accroître la démographie des professions de santé intervenant en protection maternelle et infantile (formations initiale et continue, reconnaissance des diplômes, recrutements, statuts et rémunérations…). Cela s’inscrit, en Essonne, comme dans une très grande majorité du territoire, dans le cadre bien plus large de l’attractivité médicale et de l’accès aux soins. Enfin, il nous faut aussi porter une vraie réflexion autour des modes d’accueil de la petite enfance. L’offre de crèche reste très inégalement répartie et peut limiter injustement la capacité de certains parents, en particulier des familles monoparentales, à exercer un emploi.

À l’heure des grands bouleversements internationaux, européens, nationaux, la France ne doit-elle pas entrer dans une phase, là aussi, de reconstruction ? La natalité n’est-elle pas la condition de la richesse future pour assumer les autres indispensables transitions, au premier lieu desquelles la transition écologique ? Osons dire non au renoncement ; osons parler de natalité pour qu’elle ne soit plus clichée !

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