La proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans tente de répondre à un défi de société majeur avec des impacts multiples, déjà identifiés et mesurés par la communauté scientifique et constatés au quotidien par la communauté éducative et les professionnels de l’enfance.
Malheureusement, les dispositions prévues par cette proposition de loi ne permettent pas d’espérer des résultats notables dans ce domaine. Ainsi, le premier article prévoit le développement d’outils de mesure des risques liés à l’exposition aux écrans numériques dans les lieux d’accueil des jeunes enfants, en particulier les écoles maternelles et primaires. Nous, signataires de cette tribune, pensons que la baisse du niveau scolaire, dont M. le Ministre de l’Éducation a fait lui-même le constat alarmant, devrait nous inciter à laisser aux médecins le soin de mesurer les effets sur la santé des enfants de ce phénomène d’addiction aux écrans. Nous sommes d’avis que les enseignants aimeraient que les législateurs agissent sur ce problème afin que, eux, les enseignants, puissent se consacrer à la transmission des savoirs et non, comme la proposition de loi le prévoit, à l’utilisation « d’outils de mesure ».
Ensuite, cette proposition de loi prévoit une plateforme numérique à l’attention des parents, comportant des informations sur les risques liés aux écrans numériques pour les enfants. Pourtant, un collégien pourrait en moins d’une heure produire une liste de 20 plateformes sérieuses qui existent déjà en langue française sur ce sujet. Pour ne citer que quelques organisations qui n’ont pas attendu une loi pour informer les parents sur les dangers d’une utilisation abusive des écrans, on trouve notamment : l’union nationale des associations familiales et le groupe de pédiatrie générale, qui ont produit des contenus dédiés sur le site Santé Publique France ; l’institut d’éducation médicale et de prévention avec le site « lebonusagedesecrans.fr » ; le collectif surexposition écrans avec le site surexpositionecrans.org ; enfin, l’association e-enfance, créée en 2005, et qui a un rôle, notamment via son site, de sensibiliser les jeunes aux bonnes pratiques du numérique et de conseiller parents et professionnels de l’éducation. Nous, signataires de cette tribune, ne pensons pas qu’une plateforme de plus puisse changer considérablement le niveau d’information des parents et résorber ce problème majeur de santé publique.
Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit que les messages publicitaires portant sur des téléphones portables, ordinateurs, tablettes et produits assimilés comportent un message de prévention visant à informer les consommateurs des risques encourus par l’usage excessif de ces produits sur le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants. Après avoir visionné une publicité pour des gâteaux qui nous enjoindra à ne pas manger ni trop sucré, ni trop salé, ni trop gras ; après une publicité pour de la bière qui nous rappellera que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, nous aurons donc, avant la publicité qui nous demande d’avoir une activité physique régulière, une publicité qui nous vendra un produit numérique et nous aurons à cette occasion un message de prévention. Nous, signataires de cette tribune, déclarons vouloir éviter d’ajouter à un risque sanitaire un autre problème, à savoir le risque aigu d’indigestion liée à la multiplication de recommandations sanitaires. Nous nous demandons quels sont les effets positifs de ces messages, par exemple sur l’obésité des enfants. Très limitée, si nous nous référons aux récentes dispositions prises à l’école élémentaire pour imposer une activité physique de trente minutes par jour. Donc pourquoi réitérer une solution qui visiblement ne donne pas d’effet ?
Enfin, cette proposition de loi, dans un article, prévoit un ajout au Code de l’Éducation pour agir sur le temps périscolaire afin qu’il vise aussi à informer et à prévenir les risques liés à une exposition excessive des élèves aux écrans. Soyons sérieux, le temps périscolaire est principalement un temps de loisirs et c’est très bien ainsi. En réalité, nous pensons que la réponse du législateur devrait être proportionnelle au défi qui est devant nous, à savoir un défi majeur en termes de santé publique. Tandis que la proposition de loi mentionne des risques encourus « sur le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants », il nous semble que l’heure est grave et que la prévention pendant le temps périscolaire n’est ni judicieuse, ni proportionnée.
Par cette tribune, nous ne soutenons pas cette proposition de loi, car elle utilise des moyens précieux pour une action minime.
Nous, signataires de cette tribune, sommes prêts à travailler à une nouvelle proposition de loi, plus ambitieuse et qui permettra de lutter réellement contre l’utilisation abusive des écrans ET de protéger les enfants de contenus violents. Ceci, afin d’éviter une crise sanitaire majeure et de permettre aux enseignants de faire leur travail avec des enfants réceptifs.
Enfin, nous affirmerons que si les cerveaux de nos enfants sont dégradés et si leur équilibre mental est atteint de manière durable, notre société en sera profondément affectée, et ce, en dépit de la qualité du travail parlementaire mené.
- Cassandre MEUNIER, Adjointe au Maire de Beaugency, Déléguée Nous France du Loiret
- Pasccal TEBIBEL, Vice-Président d’Orléans Métropole, Délégué adjoint Nous France du Centre Val-de-Loire
- Jean-Pierre Door, ancien Député du Loiret, Délégué Nous France du Centre Val-de-Loire