ENTRETIEN EXCLUSIF – Le président LR des Hauts-de-France lance son parti Nous France pour «inventer la droite du XXIe siècle».
Article par Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/politique/xavier-bertrand-a-droite-il-faut-tout-changer-sans-tabous-20220927
Article de Marion Mourgue
Xavier Bertrand, candidat défait à la primaire de la droite, lance son mouvement politique, à Saint-Quentin, son fief électoral dans la nord de la France.
LE FIGARO. – Vous lancez un nouveau parti, Nous France le 1er octobre. Doit- on comprendre que pour vous les LR sont morts?
Xavier BERTRAND. – Si on refuse de tirer les leçons de ce qui vient de nous arriver à la présidentielle, les LR sont morts! Nous avons fait le pire score de notre histoire à la présidentielle, nous n’en avons pas gagné depuis quinze ans. En ce qui me concerne, je ferai tout pour que LR ne devienne pas un astre mort comme le PS. C’est pour cette raison que j’ai décidé de créer Nous France qui a vocation à s’adresser à tous les Français. Certains de nos membres sont adhérents aux Républicains, d’autres non. Nous accueillons tous ceux qui se reconnaissent dans nos valeurs: une droite populaire, enracinée dans les territoires, attachée à l’ordre et au travail, confiante dans le progrès et qui fait confiance aux entreprises.
N’est-ce pas déjà l’objectif de LR?
Il faut déjà clarifier l’ADN des LR et dire clairement non à toute idée mortelle d’union de la droite et de l’extrême droite. Il y a différentes sensibilités à l’intérieur des LR, je le sais bien, mais je ne me reconnaîtrai jamais dans la ligne identitaire. Je veux incarner une droite rassembleuse, humaniste, qui défend un changement radical sur l’organisation de l’État et des territoires. Ainsi, je pense que Paris, à vouloir tout décider, n’a plus de prise sur le réel alors que, dans le même temps, les fonctions régaliennes de l’État – et d’abord la sécurité – ne sont plus assurées. Il faut tout changer, sans tabous.
Faut-il changer les hommes ou renouveler le corpus idéologique?
Déjà, nous devons redevenir nous-même. Pour cela, nous avons besoin d’idées neuves et de sang neuf pour proposer un nouveau projet de société et inventer la droite du XXIe siècle.
Vous parlez de «sang neuf»mais vous étiez ministre il y a plus de quinze ans… Vous vous étiez d’ailleurs engagé à vous retirer, en cas de défaite au congrès LR, de la politique nationale.
À cause de cette défaite historique le 10 avril au premier tour de la présidentielle, tout est à rebâtir et je n’ai pas l’intention d’être spectateur de cette reconstruction. Je ne vais pas rester quatre ans et demi les bras croisés et voir notre pays et nos concitoyens en proie aux pires difficultés. Je regarde devant, bien décidé à mettre mon expérience et mon énergie au service de mes convictions et de mes concitoyens. Comme je l’ai fait par le passé, je veux, avec Nous France, apporter des solutions aux urgences françaises et proposer des idées concrètes pour changer la vie des gens.
À cause de cette défaite historique le 10 avril au premier tour de la présidentielle, tout est à rebâtir et je n’ai pas l’intention d’être spectateur de cette reconstruction
Xavier Bertrand
Les Français et les entreprises s’inquiètent du coût des prix de l’énergie. Comment les aider?
À l’image du bouclier tarifaire pour les particuliers, nous avons absolument besoin d’un bouclier tarifaire pour aider nos entreprises, notamment dans l’industrie. Il y a urgence. Les aider coûtera cher, mais ne rien faire coûtera encore plus cher avec le coût du chômage et de la récession qui s’ensuivraient. L’enjeu, ce sont bel et bien des emplois qu’on doit protéger. La France doit se battre pour obtenir de l’UE une dérogation comme l’Espagne a pu le faire.
Le chef de l’État veut avancer sur la réforme des retraites. Le soutiendrez- vous?
On ne connaît pas encore la réforme qu’il propose. Il y a le fond: je suis favorable à travailler progressivement plus longtemps: un, deux voire trois ans si l’espérance de vie progresse, avec des départs plus tôt pour ceux qui ont des métiers physiquement pénibles. Aussi je veux une réforme juste, ce qui veut dire aligner les régimes spéciaux sur le régime général. Les retraites, c’est un élément clé de notre contrat social, cela touche aussi intimement la vie de chacun. Aucun passage en force ne peut être toléré. Je suis attaché au dialogue social et au respect du débat parlementaire. Le président semble réfléchir à réformer les retraites par voie d’amendement, et en ayant éventuellement recours au 49-3. Ce serait la pire des méthodes et je la combattrai.
Emmanuel Macron dit vouloir installer une cinquantaine de parcs éoliens en mer. Est-ce acceptable?
Une cinquantaine? Certainement pas! Il n’y a qu’à voir à quel point la baie de la Baule et demain Saint-Brieuc et Le Tréport seront défigurées par ces éoliennes que l’on nous avait présentées comme étant invisibles. À quand l’éolien flottant vraiment invisible des côtes? Après avoir saccagé nos paysages ruraux, il n’est pas question de laisser enlaidir notre littoral. Il faut arrêter de considérer la province comme un dépotoir.
Plusieurs élus se mettent en retrait après des signalements auprès de cellules internes à leur parti. Est-ce que cela vous semble aller dans le bon sens?
Il ne peut pas y avoir de compromis pour le respect des femmes, pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour le reste, gardons-nous de confondre tribunal judiciaire et tribunal médiatique. Quant à LFI, ils passent leur temps à faire la leçon à tout le monde sauf quand il s’agit de se prononcer sur l’un des leurs. Je note aussi qu’on ne les entend pas dénoncer l’emprise de l’islamisme dans certains quartiers et de l’intolérable pression que les femmes peuvent y subir.
Le président a indiqué qu’il valait «mieux répartir sur le territoire français» les migrants. Comment accueillez-vous cette déclaration?
C’est vraiment l’expression du parisianisme le plus irresponsable et détestable. D’abord parce que M. Macron semble avoir renoncé à toute maîtrise de notre immigration. Ensuite, parce que n’avoir pour projet que de déplacer des migrants auprès des populations rurales, puisque c’est comme ça qu’il l’a présenté, cela créerait un appel d’air pour l’immigration clandestine. Et vraiment, quel mépris pour les ruraux!
L’extrême droite progresse, car la droite ne propose plus rien
Xavier Bertrand
Un scénario à l’italienne, après la victoire de Giorgia Meloni, est-il possible en France, selon vous?
C’est un risque majeur et c’est contre cela que je me bats. Beaucoup de Français se disent qu’ils ont essayé la droite, la gauche, et le «en même temps». Si nous ne nous remettons pas à travailler pour leur proposer une alternative radicale, l’extrême droite arrivera au pouvoir la prochaine fois. Elle progresse, car la droite ne propose plus rien. J’appartiens à la famille politique du général de Gaulle, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, qui ont toujours combattu l’extrême droite. Quant à ceux qui seraient tentés de tendre la main au FN, ils finiront par manger dans la main du FN. Pour ma part, je continuerai jusqu’au bout à me battre pour empêcher la victoire de l’extrême droite qui, je le vois dans ma région, est incompétente et reste terriblement dangereuse pour notre pays. À nous, politiques, de faire notre boulot pour empêcher ce scenario qui serait catastrophique pour le pays et pour les Français. C’est l’enjeu de l’élection de 2027.
Pour qui prendrez-vous position pour la présidence de LR?
Je dirai en temps utile pour qui je voterai.
Éric Ciotti appelle à désigner le candidat à la présidentielle dès 2023. Est-ce une bonne idée?
On pourrait même aller plus loin, et désigner aussi le candidat Les Républicains pour 2032 et 2037. Soyons sérieux! On sort d’une présidentielle catastrophique, alors chaque chose en son temps. Soyons responsables, mettons-nous dès à présent au travail et répondons aux préoccupations des Français.
Vous songez à la présidentielle de 2027?
Mon envie et mon énergie de me battre pour mes convictions sont intactes.
Vous pourriez rejoindre ou conduire un gouvernement si Emmanuel Macron vous appelait?
Je ne fais pas partie de la majorité de M. Macron et je n’ai pas vocation à la rejoindre.