Contre les rixes, des élus de l’Essonne réclament « que l’Etat assume ses responsabilités régaliennes » (Le Monde)

Une tribune signée par 176 élus de tous bords à l’initiative du président du conseil départemental François Durovray dénonce dans « Le Monde » la sous-dotation en effectifs des services publics de l’Etat. En 2020, un quart des rixes recensées en France a eu lieu dans ce département.

Article par Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/02/contre-les-rixes-des-elus-de-l-essonne-reclament-que-l-etat-assume-ses-responsabilites-regaliennes_6124472_3232.html#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bios%5D

Mercredi 20 avril, deux jeunes âgés de 16 et 20 ans ont été violemment agressés dans l’Essonne, l’un à l’arme blanche à Longjumeau, l’autre percuté par une voiture à Draveil. Une nouvelle agression est survenue le lendemain dans un collège à Mennecy. Et une rixe a encore fait des blessés le surlendemain à Sainte-Geneviève-des-Bois et Brétigny. Ces événements surviennent plus d’un an après la mort tragique dans notre département de deux enfants de 14 ans poignardés à Boussy-Saint-Antoine et à Saint-Chéron et d’un jeune Saint-Michellois de 19 ans tabassé à mort.

La violence juvénile est devenue un phénomène global. Elle touche sans distinction villes, campagnes, quartiers populaires, zones rurales, espaces publics ou établissements scolaires.

Des élus locaux mobilisés

La mort est toujours une tragédie, mais elle est insupportable lorsque les victimes sont si jeunes, frappées pour des raisons obscures et souvent futiles. Ces drames bouleversent les familles, les amis, les quartiers, et toute la communauté qui reste abasourdie et choquée par cette violence que rien ne saurait justifier. La violence ne peut pas être une réponse aux difficultés que rencontrent les jeunes. Nous connaissons leurs soucis du quotidien et, dans nos fonctions d’élus, nous œuvrons pour leur donner les moyens de grandir et de s’épanouir en toute sérénité. Ainsi, dans l’Essonne, de nombreux dispositifs sont mis en place, qu’il s’agisse de la protection de l’enfance, des services jeunesse, des missions locales, de la prévention spécialisée, des polices municipales et des centaines d’associations qui travaillent pour les aider à se construire un avenir. Face aux violences, nous devons continuer à réinventer nos politiques locales, comme nous le faisons avec l’expérimentation de la médiation scolaire.

L’Essonne et ses habitants le méritent. C’est un département dynamique qui offre des possibilités de réussites individuelles et collectives. Innovant et souvent à l’avant-garde, il concentre près de 20 % de la recherche française et contribue à dessiner l’avenir de la France.

Nous sommes fiers de ce territoire, de ses habitants et de sa diversité. C’est une chance et une responsabilité à la fois.

Des sous-effectifs inacceptables

Alors qu’en 2020, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, un quart des rixes recensées en France a eu lieu dans l’Essonne, il n’est pas acceptable que notre territoire reste si nettement sous-doté en effectifs des services publics de l’Etat. L’écart par rapport aux autres départements est très significatif.

Rien ne justifie un déficit d’enseignants, de surveillants, de médecins scolaires ou de pédopsychiatres, pour offrir à nos jeunes les bases nécessaires à l’intégration et à la promotion sociales, vecteurs de cohésion et de réussite. L’Essonne compte 71 agents de l’éducation nationale pour 1 000 élèves, contre 82 pour 1000 à Paris ! L’école de la République doit donner les mêmes chances à tous.

Rien ne justifie un tel déficit de policiers et de gendarmes pour prévenir la délinquance et la violence et pour appréhender celles et ceux qui contreviennent aux lois de la République, pourrissent la vie de nos quartiers et pervertissent les enfants de plus en plus jeunes. Par rapport à sa population, l’Essonne devrait compter 200 policiers supplémentaires !

Rien ne justifie un déficit de magistrats pour apporter une sanction, même symbolique, aux jeunes qui ont été interpellés. Comme nous avons 42 % de juges de moins par habitant que la moyenne nationale, les délinquants sont trop souvent remis en liberté sans aucune réponse pénale, leur laissant un sentiment d’impunité qui les pousse à poursuivre leurs méfaits.

A la demande des pouvoirs publics, la population de l’Essonne augmente. Les élus locaux font l’effort d’accueillir de nouveaux habitants, mais l’Etat continue de négliger notre territoire. Notre département ne réclame pas un traitement de faveur, il veut simplement que sa jeunesse, souvent brillante, puisse être protégée et accompagnée comme partout ailleurs en France. Nous voulons que nos habitants puissent construire leur vie paisiblement.

Passer des promesses aux actes

Il y a un an, nous avions déjà sonné l’alarme. Le premier ministre avait promis un « plan Essonne ». Où est-il passé ? Il n’a pas encore vu le jour alors que les rixes entre jeunes se multiplient et que des drames continuent d’endeuiller des familles.

Elus locaux et parlementaires, nous agissons sur le terrain au quotidien pour donner un avenir à la jeunesse essonnienne. Policiers nationaux comme municipaux, gendarmes, enseignants, assistants éducatifs, infirmiers, bénévoles associatifs et parents au premier plan : tous portent ces jeunes pour qu’ils s’émancipent en devenant des adultes responsables et accomplis.

Nous attendons que l’Etat en fasse autant et assume ses responsabilités régaliennes.

Nous demandons solennellement au président de la République de commencer son nouveau mandat par un acte fort, un message qui ne s’adresse pas seulement à l’Essonne, mais à l’ensemble de la France périurbaine.

Nous lui demandons de venir dans l’Essonne, de s’engager officiellement à rehausser les effectifs des services publics de l’Etat pour les forces de l’ordre, la justice et l’éducation. Nous entendons sa volonté d’avancer dans l’esprit d’une « méthode renouvelée » et lui proposons d’entamer un dialogue constructif avec les acteurs de terrain que nous sommes, pour donner des perspectives à nos jeunes.

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