Pour François Durovray, Président du conseil départemental de l’Essonne et délégué régional d’Ile-de-France de Nous France, le conseiller territorial, serait le “vecteur d’une plus grande lisibilité et donc d’une plus grande efficacité des compétences exercées par les collectivités locales”.
Autant le dire d’emblée : je suis un converti à l’idée de conseiller territorial, “fusion” du conseiller départemental et régional, revenue dans le débat public à l’occasion du scrutin présidentiel.
Lorsque ma famille politique avait porté cette réforme voici plus de dix ans, je m’y étais opposé, estimant que ce nouvel élu aurait du mal à s’élever au-dessus de sa circonscription électorale et à porter une vue d’ensemble sur le territoire de l’institution, régionale en l’occurrence.
J’ai changé d’opinion depuis que je suis devenu président du conseil départemental de l’Essonne, en 2015, et que je note avec satisfaction la capacité des élus de cette assemblée à jongler sans difficultés entre des préoccupations locales (ce qui est bien évidemment leur rôle et s’avère très utile pour agir avec souplesse) et la vision départementale sur les sujets dimensionnants.
Il permettra une juste représentation de chacun des territoires, alors qu’aujourd’hui le mode de scrutin régional favorise les territoires urbains plus peuplés, censés rapporter davantage de voix.
Pour avoir soutenu le projet de création du conseiller territorial auprès de Xavier Bertrand, j’estime qu’il est aujourd’hui une réponse à deux défis de notre temps.
Il est d’abord un instrument du renouveau démocratique. La crise que nous vivons est très préoccupante. Le conseiller territorial a vocation à devenir un élu clairement reconnu par nos concitoyens et identifié dans ses missions. Il le sera tout autant aux côtés du maire, dont il sera le relais et un porte-parole à l’échelon supra-communal. Il le sera également auprès des différents acteurs, qu’ils soient économiques, sociaux, culturels ou sportifs, en devenant l’interlocuteur politique unique capable de proposer l’accompagnement dont ils ont besoin, là où ils sont aujourd’hui perdus : ils n’auront plus à s’interroger sur le “qui fait quoi”.
Cela suppose naturellement de conserver la circonscription cantonale au suffrage direct, ce qui permettrait de surcroît l’émergence de candidatures de personnalités indépendantes, éviterait les écueils d’une trop grande professionnalisation des élus et la mainmise des partis sur le scrutin. Mieux, ce conseiller territorial permettra une juste représentation de chacun des territoires, alors qu’aujourd’hui le mode de scrutin régional favorise les territoires urbains plus peuplés, censés rapporter davantage de voix.
Le débat se porte trop souvent sur le nombre d’échelons de collectivités. Bien plus important est de limiter l’enchevêtrement des initiatives, les financements croisés, auxquels plus personne ne comprend rien.
Il est ensuite le vecteur d’une plus grande lisibilité et donc d’une plus grande efficacité des compétences exercées par les collectivités locales. Le débat se porte trop souvent sur le nombre d’échelons de collectivités. Bien plus important est de limiter l’enchevêtrement des initiatives, les financements croisés, auxquels plus personne ne comprend rien, y compris chez les élus, si ce n’est pour constater que ces situations sont synonymes de surcoûts et de retard dans l’action publique. Pour aboutir, chaque dossier nécessite un alignement des planètes, c’est-à-dire un accord sur le projet, son calendrier, ses financements. Cette convergence est de fait chronophage et suscite une frustration bien légitime. La création du conseiller territorial ne résoudra pas tout mais elle permettra, avec le temps, une clarification des compétences. Prenons quelques exemples.
Dans le domaine de l’éducation d’abord. Aujourd’hui, les collèges sont gérés par les départements, les lycées par les régions. Ces deux collectivités disposent sur le territoire de services techniques pour les entretenir, de cuisines pour fournir les repas, d’équipes informatiques pour maintenir le matériel… Demain, il sera possible de disposer d’équipes communes mieux équipées, bien dimensionnées, plus efficaces. Le dialogue avec l’éducation nationale en sera d’autant plus plus clarifié et la continuité de la vie scolaire des élèves améliorée.
Dans le soutien local ensuite : l’aide aux communes, aux associations et manifestations culturelles ou sportives. Aujourd’hui, la multiplicité des critères, des circuits et donc souvent des moyens pèse lourdement autant sur l’efficacité que sur l’efficience. Demain, selon la nature et l’importance du dossier, le conseiller territorial pourra utilement faire porter ce soutien par le département ou la région et non plus les deux.
Dans le domaine des mobilités : les régions ont la charge des transports collectifs, les départements la maîtrise d’ouvrage des routes. Le conseiller territorial permettra de rapprocher la question des infrastructures de celle des usages et de contribuer ainsi à la transition écologique. Les aires de covoiturage, les pôles d’échanges multimodaux, voies réservées seront imaginés ensemble en fonction des services de mobilité déployés. La gouvernance globale en matière de mobilités qui en est la résultante directe permettra enfin d’embrasser le champ de l’ensemble des mobilités, à l’instar de ce que l’on peut observer dans nombre de métropoles européennes et mondiales.
Dans le domaine de l’insertion et de l’emploi enfin : le RSA est de compétence départementale mais l’emploi et la formation professionnelle sont de compétence régionale. L’accompagnement global est donc une difficulté en matière de parcours et se heurte à des guichets qui sont tout sauf uniques. Demain, il sera possible de mettre en adéquation les moyens pour améliorer l’efficacité des politiques publiques et remettre au travail des personnes qui en sont aujourd’hui privées.
C’est une réforme accessible et utile qui générera ses effets bénéfiques dans le temps.
C’est bien en filigrane une logique de continuum des politiques publiques qui pourra émerger et dont le conseiller territorial sera le pivot et la cheville ouvrière.
Bien sûr, je ne pense pas que le conseiller territorial soit la seule et unique réponse à toutes les difficultés, ni même une révolution. Mais c’est une réforme accessible et utile qui générera ses effets bénéfiques dans le temps, en revenant à l’ADN de chaque collectivité : aux régions la compétitivité, l’attractivité, les grands aménagements. Aux départements la cohésion sociale et territoriale par la péréquation. Si cette réforme peut sembler a priori éloignée des préoccupations de nos concitoyens, car avant tout institutionnelle, elle apparaît indispensable à une plus grande vitalité démocratique, plus moderne et plus lisible. Cette simple raison justifie à elle seule que les acteurs parlementaires de la prochaine législature s’en emparent sans attendre.