Battu à la primaire LR, le président de la région Hauts-de-France ne se ménage pas pour soutenir désormais Valérie Pécresse dans sa campagne présidentielle. Certains lui prêtent des arrière-pensées, mais lui jure que sa seule motivation est d’aider à battre Emmanuel Macron.
Article par Le Parisien : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-xavier-bertrand-se-donne-a-fond-dans-sa-campagne-pour-valerie-pecresse-06-02-2022-TGKASV7X3FHKTO4OAHMBQNNLTQ.php
Article de Quentin Laurent
Il était encore en Corse vendredi matin, a volé jusqu’à Paris pour redescendre en voiture dans le Maine-et-Loire. Veste sombre, écharpe gris clair, le voilà qui débarque en milieu d’après-midi dans une pépinière de Beaufort-en-Vallée, à l’est d’Angers (Maine-et-Loire) ; il repartira le soir pour rallier sa ville de Saint-Quentin, avant minuit peut-être. Xavier Bertrand est en campagne, oui. Mais lui qui rêvait depuis si longtemps de porter sa propre candidature jusqu’à l’Élysée trime désormais pour défendre les couleurs d’une autre ; celui qui se voyait Messie est devenu apôtre.
« À qui j’ai pas dit bonjour ? » On le retrouve fidèle à lui-même, ne négligeant pas la moindre âme traînant sous les 4000 m2 de serre où il est attendu. Des milliers de plantes en pot, une petite vingtaine de gens du coin issus du milieu agricole, venus autant écouter la bonne parole que lui rappeler leurs vérités fâchées. À côté de la cohue que charrie tout déplacement de candidat, la virée du jour a des allures confidentielles. « Moi, je fais la campagne de Valérie Pécresse à fond ! » lance Bertrand, « mousquetaire » de la candidate notamment chargé des questions agricoles. Il interroge : qui a entendu parler du « grand discours » de Pécresse sur la ruralité prononcé début janvier dans le Doubs ? Silence. « Eh bah, j’ai bien fait de venir ! »
Un activisme « catharsis »
Le patron de la région Hauts-de-France a surpris son monde, à LR. Pas même finaliste du congrès de décembre, personne n’imaginait que son ambition, parfois teintée d’arrogance, ne lui autoriserait d’être si beau joueur : rallié dans l’heure à Pécresse, sur les photos de « l’équipe de France » de la droite, et désormais décidé à avaler les kilomètres pour battre la campagne. « C’est sincère, on le sent engagé. Ou alors il fait vraiment bien semblant ! » s’étonne presque une porte-parole de la campagne de Pécresse.
Un activisme « catharsis », selon le mot d’un proche, pour un Bertrand que l’abandon de l’ambition élyséenne a sonné. « C’est le mec, il est tombé de vélo, il se relève tout de suite. Ça permet de passer à autre chose », illustre un autre député proche du Picard. Ou de ne pas se laisser happer par un vide soudain. « Ah, c’est pas si simple que ça à digérer, parce que c’est un engagement de plusieurs années », a-t-il reconnu en janvier sur BFM. Il organise toujours des visioconférences avec ses anciens soutiens parlementaires, pour entretenir le réseau et « motiver » les troupes, dit-on.
« Il la conseille beaucoup »
Devenu coordinateur des groupes de travail de la campagne sur l’agriculture, les collectivités locales, le travail, le logement ou la ruralité, la silhouette de Bertrand habite le QG Pécresse de la rue Torricelli, à Paris (XVIIe). « Il la conseille beaucoup, on le voit aussi passer dans les bureaux pour saluer tout le monde. Irréprochable », salue un cadre pécressiste. Des conseils de fond comme de forme. « Quand Valérie répète : Je suis la seule à pouvoir battre Macron,j’entends le Xavier du congrès… », sourit, presque nostalgique, un député bertrandiste.
C’est beau. Presque trop, selon certains. Une rumeur lancinante : celle d’un pacte secret qui enverrait Bertrand à Matignon en cas de victoire. Évidence pour certains, quand d’autres battent en brèche l’idée de tout deal… sans réussir à l’imaginer ailleurs que dans les bottes de n° 2. Désintéressé ? L’intéressé veut avant tout « qu’on change de président », confie-t-il. Voilà qui dicterait la conduite de celui qui espère que la campagne de Pécresse enfourchera autant qu’il l’aurait fait l’indispensable cheval de bataille des classes populaires. Il précise d’ailleurs n’effectuer ses déplacements que « hors métropoles ».
À Beaufort, il fera s’étirer la journée devant une grosse centaine de sympathisants venus l’écouter, la nuit tombée, en réunion publique. « La victoire de mes valeurs passe par la victoire de Valérie Pécresse », lance encore Xavier Bertrand, rodé et à l’aise dans l’exercice de campagne. Mais ici engagé dans une autre que la sienne.